Être ou ne pas être dans la Nièvre

Il y a des jeunes qui partent de la Nièvre pour faire leurs études, pour aller vers les grandes villes et qui, en somme, ne trouvent pas satisfaction dans les milieux ruraux. D’autres font le pari de rester et d’y vivre. Nous avons interrogé un chercheur qui étudie la désertification de la ruralité et qui va pouvoir nous éclairer sur le regard porté par les habitant.es des villes moyennes et celui qu’on fantasme lorsqu’on idéalise la grande ville. Nous avons également interrogé plusieurs jeunes sur les enjeux positifs d’être à Nevers. Cette ville moyenne nécessite d’être comprise et entendue. La jeunesse participe à la vie locale et elle est intéressée par son dynamisme. C’est un territoire qui se nourrit par les projets qui y fleurissent.

QUEL EST SON PARCOURS ?
Damien Deville, 30 ans, est chercheur en géo-anthropologie et étudie la question des territoires à travers le lien entre chaque individu.
Militant écologique, il réfléchit également aux enjeux liés à la désertification des villes moyennes. Pour lui, le pari(s) d’enrichir les territoires ruraux est possible. Il désire, d’ailleurs, dans un avenir proche, habiter la Nièvre avec sa femme et son enfant.

Damien, pourquoi les jeunes partent des provinces aujourd’hui ?
↳ Selon ce chercheur, l’imaginaire collectif valorise les grandes villes. «Il s’est construit un récit et une politique qui ne jurent que par les grandes métropoles. Aujourd’hui il est plus facile de voyager depuis Paris. Les jeunes sont nourris des histoires de réussite des grandes villes et non des zones rurales. On le voit dans la culture populaire, les films, les discours… On veut vivre le rêve parisien.»
Dans mon cas, par exemple, durant mon adolescence, Paris représentait la vie que je retrouvais dans les personnages des films de
Christophe Honoré qui sont tous parisiens et qui avaient des habitudes “banales” mais qui me fascinaient (prendre le métro, appartements donnant sur la Tour Eiffel, sortir en boîte de nuit, étudier à l’université). Ce quotidien est d’ailleurs parfois sur-valorisé ou alors stéréotypé puisque peu de parisien.nes vivent dans des lieux donnant sur cette grande sculpture qu’est la Tour Eiffel, mais c’est un autre débat. Les films de ce réalisateur sont représentatifs d’une ambiance bien particulière (à travers le genre de la comédie musicale, par exemple) avec des acteurs parisiens qu’on admire et à qui on veut ressembler, Louis Garrel, Ludivine Sagnier… Ce sont avant tout des mythes avant d’être finalement réels. Je pense notamment au film Les chansons d’amour.

En y déménageant, je me suis aperçu surtout de la dureté et du stress qu’elle me faisait subir. La vie parisienne est certes dotée de sorties culturelles, de fêtes incroyables mais elle est synonyme d’un rythme de vie effréné où chaque distance semble être interminable.
Lorsque j’étais en service civique je mettais deux heures dans les transports en commun pour me rendre au travail et pour ensuite revenir à mon domicile. Mon cas est, je le sais, pas unique. Mes goûts musicaux ont d’ailleurs changé entre le moment où j’ai quitté Paris pour revenir en province : je n’écoute plus les mêmes artistes. Comme si j’avais appris à revivre, à prendre le temps, donc j’écoute maintenant des musiques plus calmes, plus douces, plus lentes pour me fondre dans le parfait silence qu’est Nevers. Mais pourquoi continuer de croire qu’il n’y a que Paris qui sait faire naître le dynamisme?
D’autres événements entrent en compte : « La désindustrialisation a fracturé le tissu social des villes moyennes avec notamment les
délocalisations, les fermetures des grandes industries ainsi que l’effondrement des structures associatives. La vie qui gravitait autour des industries et des grandes entreprises disparaît elle aussi. Les rencontres ne se font plus autant, le milieu de vie est moins attrayant. Les habitants finissent par partir. »

« L’imaginaire collectif valorise les grandes villes. Il s’est construit un récit et une politique qui ne jurent que par les grandes métropoles. »

Pour quelle raison restent-ils ou reviennent-ils ?
↳ Damien Deville met en avant le port d’attache. « Ceux qui partent savent qu’ils peuvent revenir. Ils trouvent une proximité. Cette dernière est incompatible avec le développement des grandes villes, les temps de transports limitent les temps d’interaction. Nous sommes dans une société de la relation qui n’est favorisée que dans les villes à taille humaine ». « Il existe aussi une culture de la résistance et de l’alternative. On veut se rapprocher d’un milieu rural, d’un environnement naturel. Il subsiste un attachement à son territoire. On préserve un mythe, une culture autour d’un mode de vie, d’un village, d’une ville. Ces récits alimentent un imaginaire fort lié à son identité. »
Comment rester ou revenir dans la Nièvre ?
« Pour que les jeunes viennent ou restent, la Nièvre devrait rayonner d’une nouvelle identité forte. Il faudrait par exemple aller chercher dans le patrimoine de la ville de Nevers et y associer ce qui fait Nevers aujourd’hui ».

Il affirme que cette population souhaite partir en quête de sa nouvelle identité.
↳ C’est donc possible avec des initiatives fortes : « Il faudrait disposer d’ un écosystème de réussites, de relations, d’associations qui va créer une nouvelle identité populaire. Une vie associative très présente est nécessaire pour attirer les jeunes à s’investir et à s’attacher à leur mode de vie. Il faut une autre modernité qui est au goût du jour, encouragée par la discussion.» « Pour que les jeunes se réunissent, ils doivent se trouver des points en commun. Il devrait y avoir un droit à la création et l’appropriation de zones, de tiers lieux, de jardins, pour se réunir et développer des projets associatifs sur les ruines des anciennes industries. Mais aussi une redistribution de locaux, des opportunités pour les entreprises qui veulent s’installer à Nevers. » Selon le chercheur, le futur passe par les villes moyennes, les milieux ruraux et la vie de quartier. La Nièvre devrait devenir une terre d’expérimentation. “Etre ou ne pas être dans la Nièvre”.

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