« C’est important de recueillir les rêves »

Dans le cadre d’Imagine la Jeunesse, le Mag Jeunes est allé à la rencontre de Lorette Collard, jeune enseignante à l’ESAAB (École supérieure d’arts appliqués de Bourgogne), à Nevers, afin de la questionner sur son parcours, sur sa pédagogie. En filigrane de ses mots, ce sont aussi les rêves de la génération étudiante nivernaise qui se révèlent.

Un parcours riche

Lorette, 26 ans, est auvergnate. Après avoir passé un baccalauréat STD2A en 2015 à Cournon-d’Auvergne (Puy-de-Dôme), elle est venue dans la Nièvre pour intégrer la classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) en arts appliqués à l’ESAAB. À l’issue de ces deux années de prépa, elle est reçue à l’École normale supérieure (ENS) de Paris-Saclay. Parallèlement, elle entre à l’École Boulle, à Paris, pour obtenir le DSAA (diplôme supérieur d’arts appliqués) Espace événementiel et Médiation, en deux ans.

Une fois ce diplôme décroché, elle prépare le prestigieux concours de l’agrégation externe d’arts appliqués, au sein du département design de l’ENS, dans le Master 2 Formation à l’enseignement supérieur, qu’elle axe sur l’exposition et sur l’invisibilisation des femmes dans le monde du design. L’agrégation en poche, Lorette exerce en tant que stagiaire pendant un an dans un lycée à Clermont-Ferrand. Elle a pu intégrer, il y a deux ans, l’équipe enseignante de l’ESAAB suite à une ouverture de poste.

Deux regards sur la Nièvre

Pour Lorette, cela n’a pas été évident de reconstruire, après le bac, un cercle de proches dans la Nièvre, où elle est arrivée étudiante avec une image plutôt négative. Pourtant, en revenant en tant qu’enseignante elle a pris un recul nécessaire et se rend compte qu’il y a une possibilité d’avoir un impact positif sur le territoire, notamment grâce à la taille des différentes villes de la Nièvre qui permettent une grande visibilité, et ce rapidement. Il ne faut pas hésiter, selon elle, à toquer à la porte afin de proposer des projets.

Une pédagogie valorisante et bienveillante

À l’ESAAB, les enseignants ont une pédagogie par projets. Les étudiants doivent réaliser des actions à la fois fictives et réelles. Dans la vision de Lorette, la question du jeu est centrale ; son objectif est d’instaurer un climat serein. Elle veut que les étudiants puissent être fiers de ce qu’ils ont fait. Pour elle, on ne joue pas sa vie. Il faut accompagner les jeunes afin qu’ils ne mettent pas en jeu leur santé. Il y a un rapport d’adulte à adulte. En tant qu’enseignant, elle est là pour leur donner des outils, mais elle rappelle qu’ils ont aussi beaucoup à nous apprendre. Cela va dans les deux sens, la démarche pédagogique est de les valoriser.

Lorette est impliquée dans « Les Illus’ », un regroupement d’artistes basé à Nevers.

Vous pouvez retrouver son travail sur ses réseaux sociaux :
Instagram : lorette_cld_

Questions/réponses avec Lorette

Est-ce que l’art et le design peuvent jouer dans l’expression des jeunes Nivernais ? Est-ce que l’ESAAB met en place des initiatives afin d’encourager l’engagement des étudiants dans les projets ?

Les étudiants développent des outils qui leur sont propres ; ils doivent réussir à concevoir la médiation de leurs propres idées. La communication de leurs projets est essentielle. Le vocabulaire doit être soigné afin d’intéresser le plus grand nombre.

Au niveau de l’engagement, le parcours permet en première année de découvrir tous les métiers variés. En deuxième année, les étudiants sont amenés à développer des projets communs. Enfin, en troisième année, chacun conçoit un « macro projet » avec un mémoire et une enquête personnelle. La direction artistique des élèves est alors mise en avant. L’objectif est de voir les projets s’ancrer dans un territoire, dans une réalité. Les projets peuvent aussi s’ancrer dans une actualité constante (questions écologiques, engagements politiques, féministes).

Penses-tu que les étudiants ont un rôle à jouer dans l’expression de certaines problématiques liées à des enjeux sociaux et environnementaux ?

Il n’est pas possible d’éluder la question, cependant il ne faut pas faire tourner toute sa vie autour de ces questions qui peuvent créer de l’anxiété pour la jeunesse. Il faut être conscient qu’on ne peut pas trouver la solution à tout. Nous avons quand même à notre échelle une responsabilité engagée. Dans mes dessins, j’ai un style fantasmagorique, enfantin, pour faire passer des idées. Dans mes cours, j’essaye d’inclure un maximum de références féminines ; l’idée c’est de mettre des femmes en haut de l’affiche.

L’enseignement joue un rôle dans cette dynamique. En tant qu’enseignant, je sais que je peux atteindre avec la parole, en transmettant des idées. Pour moi, l’engagement se fait par l’enseignement.

Quels seraient les projets à développer sur le département de la Nièvre pour que les jeunes étudiants artistes puissent être plus à l’aise ?

Il faudrait organiser davantage d’ateliers pour recueillir les paroles des jeunes. Le designer et constructeur Gaétan Mazaloubeaud a rénové beaucoup de cours d’écoles, de collèges, en impliquant à la fois la direction, les agents et les élèves. Il leur a demandé : « Quelle est la cour dont tu rêves ? » Il a construit avec eux des mini-maquettes en bois, en passant par la carte afin d’établir les besoins. Il s’est rendu compte que les adultes étaient bloqués dans la réalité, alors que les jeunes étaient eux plus libres dans les idées à mettre en œuvre, et c’était réalisable.

La médiation est très importante, car elle permet de développer des outils d’écriture, à manipuler afin de dialoguer, en faisant le lien entre deux entités. Le Département pourrait demander aux enseignants en arts appliqués et aux étudiants de concevoir des objets de médiation, mais aussi des projets, afin de recréer du lien entre la jeunesse nivernaise et le territoire. L’idée c’est de favoriser le dialogue et de créer des moments et espaces de rencontre intergénérationnels. C’est important de recueillir les rêves. »

L’ESAAB propose plusieurs formations :

  • Classe préparatoire à l’enseignement supérieur d’arts appliqués : classe de mise à niveau ;
  • DNMADE (diplôme national des métiers d’art et du design, bac + 3, niveau licence) : espace, graphisme, objet ;
  • DSAA (diplôme supérieur d’arts appliqués, niveau Master) : dispositif scénographique, culture de l’image animée.

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