La ferme à culture

Constance et Raphaël rénovent une ferme centenaire à Moulins-Englibert. Avec un amour du travail bien fait et une éthique qui force le respect. Présentation d’un mode de vie simple et heure, respectueux de son environnement.

Constance est une couvreuse originaire de l’Yonne ; Raphaël, un mécanicien automobile ayant grandi dans le Sud de la France. Tous deux ont entrepris un projet audacieux, inspirant. En 2021, ils ont acheté une ferme abandonnée à Moulins-Engilbert, qu’ils ont baptisée La Ferme à culture. Leur fil conducteur ? La passion des méthodes de construction traditionnelles et l’engagement pour un mode de vie simple et autonome. À travers cette interview, nous découvrons leur parcours, leurs défis et leurs aspirations.

«  Le Morvan, nous ne l’avons pas choisi. C’est plutôt lui qui s’est présenté à nous comme une évidence ! »

Qu’est-ce que La Ferme à culture ? Quelle est son histoire?

La Ferme à culture c’est le nom que l’on a donné au lieu que l’on a acheté ensemble en 2021. Cette ferme, dont la maison principale a été construite en 1819, est composée de plusieurs bâtiments conçus pour l’élevage de charolais, jusqu’en 2010 environ. Quand nous l’avons visitée, nous avons découvert un lieu en très mauvais état, abandonné depuis plus de 10 ans, et surtout détérioré par des modifications non adéquates. Nous avons tout de suite perçu l’immense potentiel de ce lieu inspirant.

Pourquoi avoir choisi le Morvan? 

Le Morvan, nous ne l’avons pas choisi. C’est plutôt lui qui s’est présenté à nous comme une évidence !

En 2021, clairement, nous n’avions pas le profil pour devenir propriétaires (1). Mais, en dehors de nos études, nous avons toujours travaillé en ayant un mode de vie très simple, et donc avec peu de dépenses. Notre rêve était de trouver un lieu qui nous permettrait de vivre avec le plus d’autonomie possible.

Nous avions mis une alerte sur un site de petites annonces, pour des biens immobiliers avec un prix très faible sur toute la France. Et puis, après avoir musardé pendant plus d’un an, est apparue cette annonce, qui présentait un bien situé à une heure de route de là où nous vivions.

L’annonce était très sommaire, publiée par des particuliers, mais on s’est dit que ça ne nous coûtait rien d’aller voir. Le lendemain, on visitait la ferme ; c’était la première fois que l’on visitait un bien… Et la semaine suivante, nous étions chez le notaire ! On ne connaissait ni le village, ni le coût de la restauration d’un tel lieu, ni la manière dont on allait s’y prendre. Mais une chose était sûre : c’était le lieu de nos rêves.

Nous sommes encore au début d’une longue aventure, mais nous sommes chaque jour un peu plus convaincus que le Morvan offre un cadre de vie à la fois paisible, rural et dynamique

Qu’est-ce qui vous a inspiré à choisir un mode de vie dit « écologique et autonome », et comment cela s’est-il manifesté dans vos choix ?

Nos choix sont toujours guidés par nos envies. Notre mode de vie ne crée pas de frustration ; pour nous, c’est naturel. Pour décrire notre mode de vie, certains le trouveront parfois en décalage, mais je pense que pour beaucoup d’autres, il est tout à fait simple.

Ce qui nous inspire, c’est d’être là – physiquement et moralement – où nous nous sentons bien. L’empathie et la reconnaissance pour ce qui nous entoure font que nos choix se dirigent visiblement vers un mode de vie rural, écologique, simple.

Pourquoi avez-vous décidé de rénover une ancienne ferme plutôt que de construire une nouvelle maison ? Quels défis avez-vous rencontrés dans ce processus ?

Nous sommes très admiratifs des savoir-faire qui ont permis l’édification des bâtis anciens. Tant dans les moyens employés que dans le rendu, nous trouvons cela passionnant. Ces vieux bâtiments sont pensés avec une attention particulière ; à l’époque, on réfléchissait bien avant de se lancer pour des années de construction d’un ouvrage, car sa pérennité était primordiale. Maintenant, on construit surtout des maisons le plus rapidement possible, pour le moins cher possible.

D’ailleurs, nous trouvons que le bâti ancien, lorsqu’il est restauré pertinemment, offre une qualité de vie remarquable, incomparable avec des maisons performantespar exemple.

De nombreux bâtiments en France, érigés il y a plusieurs siècles, et dont le potentiel est immense, sont laissés à l’abandon : les restaurer et les faire revivre nous enchante. C’est pourquoi nous avons choisi La Ferme à culture.

Pouvez-vous nous parler des principes et des méthodes que vous utilisez pour rendre votre future habitation aussi respectueuse que possible de l’environnement ?

Autant que possible, nous sommes attachés à utiliser des matériaux et des méthodes adaptés au bâti ancien. Ils permettent de respecter l’esthétique architecturale du bâti et d’offrir un cadre de vie chaleureux.

Concrètement, on utilise de la chaux et non pas du ciment. Nous avons opté pour des menuiseries en chêne plutôt qu’en PVC, nos sols sont en pierre de Bourgogne ou en tomettes, au lieu de carrelage ; nos murs vont revêtir des enduits à la terre ou à la chaux en remplacement de l’habituel plaque de plâtre. Et nous installons uniquement des toilettes sèches,

Nous effectuons presque tous les travaux nous-mêmes, et pourtant nous partions de zéro. Nous nous sommes renseignés, formés, et nous avons observé l’existant. La mise en œuvre correspond effectivement moins aux cadences des rénovations classiques modernes ; c’est illusoire de s’imaginer autrement. Nous avons commencé les travaux de la maison d’habitation il y a 3 ans, et ils ne sont pas achevés. Mais, c’est fascinant d’observer et de réaliser que ces vieux bâtiments sont construits tout simplement avec ce qui se trouvait autour : du calcaire, de la terre, cuite ou crue, du chêne. Nous avons tout à gagner à nous inspirer de ces constructions locales, et naturelles. D’ailleurs, un bâtiment ancien abandonné peut s’écrouler et les matériaux employés pourraient rester sur place sans crainte pour l’environnement (à l’exception de parties métalliques s’il y a eu une installation électrique et sanitaire – et encore, à l’époque ils faisaient des canalisations en grès émaillé !).

Quand on s’imagine le devenir des maisons modernes, c’est un peu plus délicat…

En quoi consiste votre approche pour consommer localement, que ce soit en termes d’alimentation ou de matériaux de construction ?

Au quotidien, pour tout ce qui est ameublement et textile, nous nous tournons vers la seconde main. Une majorité de notre alimentation est locale, et quand la rénovation nous laissera souffler un peu plus, nous souhaitons être le plus autonome possible sur ce point.

Pour les matériaux, quand cela est possible, nous privilégions le réemploi. Pour les achats « neufs », nous cherchons toujours s’il y a une possibilité locale. Nous avons par exemple fait appel à la carrière d’Andryes pour des pierres de Bourgogne, ou aux scieries locales pour du chêne ou du sapin.

Mais parfois, on ne trouve pas toujours, par exemple pour l’outillage. Dans ce cas, nous privilégions les fournisseurs locaux, pour que nos commerces de proximité perdurent, et nous cherchons du matériel de qualité.

Quels sont les avantages et les défis de vouloir vivre en autonomie, notamment en ce qui concerne, par exemple, la production d’énergie et la gestion des déchets ?

Nos choix de vie impliquent un vrai investissement physique, une grande implication. Mais il est indéniable que l’on y gagne en confort de vie. On a le sentiment de se sentir utile quand on voit ce que l’on accomplit, de manger des aliments de qualité qui font du bien à notre corps, de vivre dans un lieu idéal. Cela donne un sentiment de bien-être !

D’un point de vue plus « technique », ces choix sont bénéfiques pour le monde qui nous entoure. On produit beaucoup moins de déchets que la moyenne, on consomme aussi beaucoup moins d’énergie, on favorise le commerce local. Cela a des influences plutôt bénéfiques autour de nous, on imagine.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent adopter un mode de vie plus respectueux de l’environnement mais qui ne savent pas par où commencer ?

Le plus important est de se laisser guider par ses envies et de ne pas créer de frustration sous prétexte de que l’on veut agir, au risque que ces choix ne soient pas pérennes, car il est trop contraignant de s’y tenir.

Si l’envie est là de prendre un chemin plus respectueux pour l’environnement, il suffit de se laisser porter, de regarder autour de soi, de s’intéresser à ce qu’il y a autour de nous (des collectifs, des associations, des tiers-lieux, des projets inspirants, etc.) puis de commencer sa propre route.

Quelles sont vos réflexions sur les problématiques environnementales locales auxquelles vous êtes confrontés dans le territoire ?

On apprécie se tourner vers des personnes ou des groupes qui agissent et envoient du positif autour d’eux. Le lien social, la ruralité, le partage, sont des valeurs que l’on tente de porter et peut-être qu’en agissant ainsi localement, via des projets positifs nous pourrons contrebalancer et faire face de manière concrète à des problématiques sous-jacentes.

Comment envisagez-vous l’avenir de votre mode de vie autonome ? Avez-vous des projets ou des aspirations à long terme que vous aimeriez partager ?

Si notre projet peut inspirer d’autres à se lancer dans une aventure qui leur tient à cœur, ce serait super ! De notre côté, nous poursuivons notre chemin pour faire revivre La Ferme à culture, en essayant de partager un maximum notre expérience pour envoyer des ondes positives, et peut-être impulser d’autres projets bucoliques.

1. Raphaël était alors étudiant dans une école d’ingénieurs, et Constance venait de finir ses études de design.

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